Goffridus, Vindocinensis monasterii
humilis servus, suo in Christo multum dilecto fratri Rotberto, servare
modum discretionis et terminis quos Patres posuerunt esse contentum.
Novit, karissime, et bene novit tua dilectio aliquid aliter agere
esse humanae imperfectionis, et quod aliter actum est nolle corrigere
diabolicae praesumptionis. In nullo agere praeter id quod est agendum
est angelica perfectio, quam habere minime potest, quamdiu hic sumus,
nostra condicio. Dum igitur non habemus perfectionem angeli, nullatenus
habeamus praesumptionem diaboli. Haec idcirco, venerabilis frater,
proposuimus, quia te talia egisse et adhuc agere, fama discurrente
sinistra, audivimus, quae si vera sunt, ut nulla excusatione illa
defendas, sed cum omni festinatione corrigas, tuam simplicitatem
germanae caritatis visceribus ammonemus.
Audivimus enim quoniam circa sexum femineum, quem regendum
coepisti, duobus modis altero alteri prorsus contrario te ita sollicitum
reddis, quod modo in utroque modum discretionis penitus excedis.
Feminarum quasdam, ut dicitur, nimis familiariter tecum habitare
permittis, quibus privata verba saepius loqueris et cum ipsis etiam
et inter ipsas noctu frequenter cubare non erubescis. Hinc tibi
videris, ut asseris, Domini Salvatoris digne bajulare crucem, cum
extinguere conaris male accensum carnis ardorem. Hoc si modo agis,
vel aliquando egisti, novum et nunc usque inauditum sed infructuosum
genus martyrii invenisti. Certe nec utile fieri potest, nec aliquo
modo fructuosum, quod contra rationem noscitur esse praesumptum.
Tu autem contra rationem non mediocriter praesumpsisti, si qualibet
occasione cubasti cum mulieribus quas mundo furatus lucrari Domino
debuisti, praesertim cum prohibitum sit a Salomone, in ipso et per
ipsum Spiritu sancto intonante : « Cum muliere,
inquit, non accumbas, nec sis assiduus cum ea, nec illam conspicias,
ne forte scandalizeris in pulchritudine illius et pereas ».
Et item : « Mulier preciosas animas capit, cujus
colloquium velud ignis cor hominis accendit ».
Nunquam, frater, de tua religione tantum confidas ut credas te
non posse labi, si caute non ambulas. Labilis est mundus, plenus
limo, diu in eo stare firmus homo non potuit, subito lapsus est,
vix aut nunquam surrexit. Tu quidem in mundo quasi montem excelsum
ascendisti, ac per hoc in te linguas et oculos hominum convertisti.
Ergo, stans in monte, vide ne corruas nec per martyrium martyribus
sanctis penitus ignotum religiosae vitae principio notam infamiae
derelinquas. Nulla etiam tua actione mundo, qui paene totus te sequitur,
suscites scandalum. Nam fieret tibi dampnatio gravior ruina plurimorum.
Mulierum quibusdam, sicut fama sparsit et nos ante diximus, saepe
privatim loqueris et earum accubitu novo quodam martyrii genere
cruciaris. Illis siquidem te sermone semper jocundum ostendis et
alacrem actione omneque genus humanitatis exhibes, nulla servata
parcitate. Aliis vero, si quando cum ipsis loqueris, semper locutione
nimis durus appares, nimis districtus correctione, illas etiam fame
et siti ac nuditate crucias, omni relicta pietate. Quod si ita est,
in utroque vehementer offendis et modum totius discretionis transgrederis.
Nam et erga illas nimium remissibiliter et contra istas nimium poenaliter
agis.
Duram valde provinciam regere coepisti et quę suum rectorem
saepissime traxit ad mortem. « A muliere enim initium
factum est peccati et per illam moriuntur homines universi ».
Unde tibi ita prudenter ac simpliciter agendum est, ut te et matrem
pietatis gratia et patrem circa mulieres exhibeat disciplina et
quę minus non habebunt perfectionis, minus non habeant tuae
dilectionis. Non una a te plus diligi debet quam alia, nisi quae
melior fuerit inventa. Juxta modum meriti vel culpae, extende modum
correctionis vel gratiae. Illud tamen praecipue in mente tua fixum
teneatur quod in Evangelio Dominus dicit : « Beati
misericordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur ».
Fragilis est multum et delicatus sexus femineus, et idcirco necesse
est ut pietatis dulcedine potius quam nimis severitate regatur,
ne forte abundantiori tristitia absorbeatur et qui eum regere debet
sic a Satana circumveniatur. A Satana rector circumvenitur si per
nimiam tristitiam regendum perire contingat, qui potuit liberari
per indulgentiam. Cum de pietate tuam hic hortamur bonitatem, tibi
auferre nolumus justitiae actionem. Te justum esse pariter desideramus
et pium. Sit igitur tibi pietas, respuens inordinatam remissionem,
sit tibi justitia, piam semper habens compassionem.
Vale et nos tuarum sanctarum precum, suppliciter precamur,
participes effice.
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Geoffroy, humble serviteur du monastère
de Vendôme, à son très cher frère dans
le Christ Robert, observer les termes de la mesure et s'en tenir
aux limites qu'ont établies les Pères.
Ton affection sait, ami très cher, et sait bien, qu'accomplir
une action contraire aux règles est le fait de l'imperfection
humaine, mais que refuser de corriger cette mauvaise action est
le fait d'une présomption diabolique. Ne jamais agir autrement
qu'il ne faut est une perfection angélique que ne peut avoir
notre condition aussi longtemps que nous sommes ici. Donc, tandis
que nous n'avons pas la perfection de l'ange, n'ayons au moins pas
la présomption du diable. Nous t'avons rappelé cela,
frère vénérable, car nous avons appris, comme
un bruit néfaste le répand, que tu avais agi ainsi
et que tu continuais ; si c'est vrai, nous conseillons à
ta simplicité, avec le coeur d'une charité fraternelle,
de ne défendre tes actes par aucune excuse mais de te corriger
en toute hâte.
Nous avons appris en effet que tu te comportes à l'égard
du sexe féminin que tu as entrepris de diriger de deux manières
tout à fait opposées l'une à l'autre, au point
que tu excèdes totalement la règle de la mesure dans
les deux cas. À certaines des femmes tu permets, dit-on,
d'habiter trop familièrement avec toi, tu leur parles très
souvent en privé et tu ne rougis même pas de coucher
fréquemment la nuit avec elles et au milieu d'elles. Tu penses
ainsi, affirmes-tu, porter dignement la croix du Seigneur sauveur,
quand tu t'efforces d'éteindre l'ardeur de la chair allumée
à tort. Si tu agis ainsi, ou si tu l'as parfois fait, tu
as inventé un genre de martyre nouveau et sans précédent,
mais sans fruit. Certes on ne peut attendre aucune sorte d'utilité
ou de fruit de ce qui a été d'évidence entrepris
contre la raison. Or toi, tu as tout à fait osé agir
contre la raison s'il t'est arrivé de coucher avec des femmes
que tu devais voler au monde et gagner au Seigneur, d'autant plus
que Salomon l'a interdit, le Saint-Esprit tonnant en lui et par
lui : « Ne couche pas avec une femme, dit-il, et
ne la fréquente pas, et ne la regarde pas, de peur de tomber
à cause de sa beauté et de périr ».
Et aussi : « La femme prend les âmes de valeur,
elle dont la conversation, comme le feu, brûle le cur
de l'homme ».
Jamais, frère, n'aie assez confiance en ta piété
pour croire que tu ne peux glisser si tu ne marches pas avec précaution.
Le monde est glissant, plein de limon, l'homme n'a pas pu tenir
longtemps ferme sur lui, il est tombé tout à coup
et ne s'est relevé qu'avec peine ou jamais. Toi, certes,
dans le monde tu es monté sur une montagne élevée
et de ce fait tu as tourné vers toi les langues et les yeux
des hommes. Donc, debout sur la montagne, veille à ne pas
t'écrouler et, par un martyre tout à fait inconnu
aux saints martyrs, à ne pas laisser une marque d'infamie
au commencement de la vie religieuse. Par aucun de tes actes ne
suscite de scandale au monde, qui te suit presque tout entier. Car
la ruine de beaucoup entraînerait pour toi une condamnation
plus grave.
À certaines de ces femmes tu parles souvent en privé,
comme le bruit l'a rapporté et comme nous venons de le dire,
et en couchant avec elles tu te crucifies par un nouveau genre de
martyre. Avec celles-ci tu te montres toujours agréable dans
la conversation et joyeux dans l'action, et tu manifestes toute
sorte de bonté, en oubliant toute modération. Mais
avec d'autres, s'il t'arrive de leur parler, tu apparais toujours
trop dur dans la parole, trop sévère dans la correction ;
tu les accables même de la faim, de la soif et de la nudité,
en négligeant toute piété. S'il en est ainsi,
tu te trompes dans les deux cas et tu transgresses la règle
de toute mesure. Car tu agis envers les unes avec trop d'indulgence,
contre les autres avec trop de sévérité.
C'est une très rude tache que tu as entrepris de mener et
qui a entraîné très souvent a la mort celui
qui la menait. « C'est d'une femme que le péché
a pris naissance et à cause d'elle que meurent tous les hommes ».
Aussi dois-tu agir avec prudence et simplicité, pour que
la grâce de la piété fasse de toi une mère
et la discipline un père pour ces femmes, et que celles qui
n'auront pas moins de perfection n'aient pas moins d'affection de
ta part. Tu ne dois pas aimer l'une plus que l'autre, si ce n'est
celle qui aura été trouvée meilleure. Évalue
la mesure de la correction ou de la grâce selon la mesure
du mérite ou de la faute. Ce que le Seigneur dit dans l'Évangile,
garde-le surtout bien fixé en ton esprit : « Bienheureux
les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ».
Le sexe féminin est très fragile et délicat,
aussi est-il nécessaire de le diriger avec la douceur de
la piété plutôt qu'avec trop de sévérité,
de peur qu'il ne soit accablé d'un excès de tristesse
et que celui qui doit le diriger ne soit ainsi abattu par Satan.
Celui qui dirige est abattu par Satan si en dirigeant il en arrive
à faire périr par trop de tristesse celui qui aurait
pu être délivré par l'indulgence. Lorsque nous
exhortons ta bonté à la piété, nous
ne voulons pas l'empêcher d'accomplir la justice. Nous désirons
que tu sois à la fois juste et pieux. Que la piété
soit en toi, repoussant un pardon irrégulier ; que la
justice soit en toi, toujours unie à une pieuse compassion.
Adieu et fais-nous participer à tes saintes prières,
nous t'en supplions instamment.
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